Mme ELLERO Dorino 

ex Mlle SERCAN Josette

vendredi 7 mars 2008 par Michel Sercan

Je suis née à Saint Pierre de Clairac – Lot et Garonne – le 2 janvier 1935.

Au cours du repas de midi, MAINGUET est venu voir papa, qui est sorti un court instant avec lui. Au retour, s’asseyant, il dit à maman – j’en suis sûre, et maman l’a réaffirmé bien des fois par la suite – « les allemands sont à LACLOTTE ».

L’après-midi du 7 juin 1944, je suis à l’école, dans la classe des grands à côté de la mairie. C’est mercredi, nous faisons des phrases, c’est le devoir de français de tous les mercredi. Vers 14H30, nous entendons arriver des voitures, un camion s’arrête sous le tilleul à l’entrée de la cour. Monsieur ADER, notre instituteur, se précipite au fond de la classe à la fenêtre du fond. Nous, debout à nos bureaux, voyions tous ces allemands casqués, armés sauter du camion. Monsieur ADER se tourne vers nous, il est livide, rejoint son bureau en nous disant, vous en avez déjà vu, nous continuons notre travail. Pas pour longtemps, de l’ordre du ¼ d’heure, trois allemands entrent très brutalement dans la classe. Un, pointe sa mitraillette sur Monsieur, un second le bouscule, ils l’entraînent très vite dans la cour, le troisième reste en faction à la porte. M. ADER s’arrête un très court instant au milieu de la cour et nous dit à haute voix « Rentrez chez vous ! ». Les soldats l’emmènent promptement.

En ce qui me concerne, à partir de cet instant, je me sens seule, je cours vers la croix de fer proche de chez « Boudie ». Là, je rencontre les premiers allemands, ils sont trois, je continue ma course, à hauteur de l’épicerie, je vois des allemands partout, j’emprunte le chemin qui va à notre maison, j’y arrive, grande ouverte, il n’y a personne ? Retournant sur le pas de porte, je vois un rassemblement de femmes à une cinquantaine de mètres sous le marronnier face à l’épicerie. Je les rejoins et pour ce faire passe devant des allemands armés qui tiennent en respect tout un groupe d’hommes alignés contre la façade, plaqués au mur. Maintenant avec le groupe des femmes, je vois, parmi les hommes, toujours, toujours, toujours mon père le visage livide. Je me glisse au milieu du groupe de femmes, c’est alors que Marie Gaentzler, me dit « ne reste pas là, va-t-en ! maman n’est pas là, elle s’est cachée. » Alors, je retourne à la maison, monte même au grenier, je cherche maman, personne. Je décide alors d’aller chez les voisins. En premier chez Esther SIMON, je me heurte à trois allemands armés, je bifurque vers le chemin qui borde le jardin, encore des allemands, je n’ose plus continuer, bien qu’ils ne s’intéressent pas à moi. Comme je ne peux me résigner à rester seule, je retourne auprès du groupe de femmes. Marie m’intime de partir en me disant à nouveau « Josette ne reste pas là, va te cacher ! ».

Josette ne reste pas là, va te cacher !

Je retourne à nouveau à la maison, remonte au grenier, cherche, l’après-midi dure, dure et dure encore. Mais maintenant j’ai trop peur pour rester. Alors je sors côté jardin depuis le coin du mur et des cages à lapins je regarde vers cette façade de l’épicerie où sont alignés ces pauvres hommes. J’y aperçois M. ADER. Là, je m’interroge et cet après-midi qui n’en finit pas. Que vont-ils leur faire ?… Vont-ils les emmener ?… Pourquoi ?… Maintenant où aller dans ce village assiégé ? … Alors, je pense enfin à ma sœur France 6ans1/2 qui est dans la classe de Madame à l’arrière de la maison de s maîtres. Mais maintenant je n’ose plus m’aventurer au milieu de tous ces allemands, il y en a partout, partout. Et les hommes du village toujours contre ce mur ?… Je me décide à longer le mur du presbytère, traverse la route vers le champ, puis en contournant, arrive dans la cour de la petite école et enfin à la porte de la classe. Madame me dit : Ils ont arrêté Monsieur. Par les fenêtres, qui pourtant orientés ouest et les champs, j’y vois encore des allemands au fond du terrain scolaire où il y avait des tranchées. Arrivent 17 Heures, nous sortons de classe. Ma sœur et moi restons auprès de Madame. Avec nous est aussi son fils « jojo » Georges 6 ans. Nous nous tenons au fond de la cour, le plus éloignés possible de l’épicerie qui est en flammes. Quelle frayeur, Denise (LEVIGNAC) nous rejoint « elle était employée de maison chez les instituteurs et avait 15 ans », Jojo se met à hurler « Jean-louis et Jean Marie vont brûler ! ». Se produisent des explosions, des flammèches s’envolent un peu partout. Madame ADER demande à Denise d’aller chercher la caisse des prisonniers. On a l’impression que tout le village va brûler. Des hommes, parmi eux le pépé BOUYSSÉS ont sorti des vélos, puis quelques affaires par la porte de derrière de cette maison en feu…

Puis maman a dû nous récupérer…

Madame TUFFAL et Josette sa fille –ma copine- qui est de mon âge emmènent des affaires chez nous. Les premières paroles que m’adresse Josette : « si ton père n’est pas sur la LISTE, s’il n’a pas d’armes, il n’est pas mort », ma réponse : « non, non il n’a pas d’armes ».

Puis, je ne sais plus, un trou…

Puis, d’où je me trouve, je revois Yvette MAINGUET assez loin encore devant la maison ( où loge le boulanger aujourd’hui). Je la revois parfaitement, elle est là, cette Yvette, à genou sur un matelas, dehors sur le trottoir, elle pleure et hurle : « je me vengerais, je me vengerais… ». Irma ROUTABOUL est arrivée (elle s’était cachée dans un champ de blé). Puis d’autres adultes se regroupent devant chez Yvette. Marie ( GAENTZLER ), qui habitait aussi là, est partie à vélo imaginant retrouver Maurice MAINGUET mort par-là…

A un moment, j’ai souvenir certain d’être aux côtés d’ Yvette avec un petit groupe, arrive un homme en civil à pied, d’où sort-il ?… Je l’avais déjà vu venir bien d’autres fois chez MAINGUET et poser son vélo contre le mur. Il s’adresse à Yvette :
  Pourquoi tous ces morts ? …
  Mon mari était entrain de faire une LISTE !… ( à nouveau cette LISTE, et pour la deuxième fois) Indigné il s’emporte :
  Une liste avec les vrais noms ça ne se fait pas, jamais de vrais noms, ni armes !…

Il est reparti. J’ai toujours gardé la certitude de le reconnaître si je le revoyais un jour. Hélas… Yvette a, je suppose, alors réalisé la gravité de la chose et de son propos. Dès lors elle niera l’existence d’une liste locale.

Maman nous fera souper, elle a coupé du jambon…

Puis Luc et sa mère Esther SIMON sont venus nous chercher pour aller dormir chez eux. France dormirait avec Esther, il me semble qu’ils avaient un petit lit, pour notre petit frère Michel ( 6 mois…), nous avions aussi le landau. Moi je suis allée coucher chez la mère d’Esther. Je couchais avec elle. Elle était comme notre grand’ mère, Maria BOUYSSÉS, et s’est comportée comme telle. Luc couchait avec son grand’ père, il avait laissé son lit à maman et ma sœur. Le lendemain, c’était jeudi, nous n’avions pas classe. Je ne sais plus quand j’y suis revenue ?… L’après-midi du jeudi, tante Louise – sœur de maman – est venue à vélo de Saint-Maurin. On était sous les marronniers chez Esther, elles parlaient. Tantine est allée à l’église voir nos morts… elle a dit à maman de ne pas y aller. Ils sont venus chercher un drap, qui ?… je ne sais plus… dans ces moments là, je ne comprenais pas grand chose… Le vendredi matin, 9H, le maire est venu nous chercher, maman et moi seulement. Nous étions prêtes, mémé Maria m’avait confectionné un bouquet, des lys blancs. A l’église, je garde en mémoire ces 9 cercueils de bois blanc alignés devant nous, Mme DOSTES et sa sœur Alice, Mme ROUTABOUL avec sa belle-mère venue du lieu-dit « Belle Source » que je remarquai toujours car elle avait un pied bot. La messe, le prêtre je ne sais plus… Nous sommes allées au cimetière, à notre tour on a jeté le bouquet sur le cercueil, le maire était à nos côtés … mais il a fallu repartir vite…

Ce que m’a raconté maman :

Lorsqu’elle a entendu la première voiture arriver, c’était totalement inhabituel dans ces moments là, elle a jeté un coup d’œil par la fenêtre, a aperçu les allemands. Très vite elle prend un biberon, de l’argent, mon petit frère Michel (6 mois) dans ses bras, sort côté jardin par la chambre, se déplace vers la porte arrière de l’atelier où est papa, mais à la porte opposée aperçoit des allemands qui se présentent. Elle voulait dire à papa de la suivre, il est déjà trop tard. Elle s’enfuit par les jardins et va se réfugier chez les BOUYSSÉS. Elle y trouve mémé Maria. Les allemands s’y présentent très vite et arrêtent le pépé son mari et l’emmènent. Ils se désintéressent des femmes et des enfants. Devant leur maison est leur vigne et un cerisier les soldats s’en gavent.

Après trois semaines/ un mois nous sommes revenus coucher chez nous, enfin juste avant la tragédie de la 113 à Saint Romain le Noble, où des maquisards furent tués. C’était fin d’après-midi, nous revenions avec Josette TUFFAL de chez la couturière de CABALSAUT. A l’emplacement du monument de 44, on déposait des morts de St Romain que d’autres récupèreraient. Nous avions très peur que ce ne soit des allemands ! Ce soir là Luc rentrant chez lui de son travail à la boulangerie, dit à sa mére, je vais chercher Ida et les enfants, nous recouchions ce soir là chez eux.

Autres souvenirs :

Peut-être est-ce le lendemain, nous étions devant chez mémé Maria, j’étais assise là avec maman. Eva TUFFAL avec d’autres femmes parlaient de moi. « Mais enfin, elle ne pleure pas ? mon dieu si c’était la mienne, « mais alors tu ne le plains pas ton papa » ?…

Heureusement nos braves voisins nous ont beaucoup entourés. Maman était très énergique dans cette galère. Quand elle m’houspillait, j’allais trouver Esther (SIMON), ils étaient très pauvres. Mais il y a toujours eu un Noël pour nous. Maman a sacrifié sa vie pour nous élever, seule avec trois enfants à charge.

Plus près de chez nous, (à l’épicerie actuelle) locataires à l’époque de Mme BOUGLON, vivaient M et Mme RIVAL retraité de la poste, il fabriquait des sabots, et nous eurent tous les trois de très beaux sabots pour aller à l’école. Papa allait écouter « radio Londres » chez eux. Ce soir là papa est allé l’écouter chez MAINGUET. M. RIVAL en a toujours culpabilisé, il n’a cessé de me répéter qu’il regretterait jusqu’à la fin de ses jours la panne de sa radio ! Mme Emilie RIVAL était la sœur aînée de Mme DOSTES, le samedi elle fleurissait l’église. A partir de là, elle m’amenait avec elle, j’aimais bien. Au printemps suivant, au mois de mai, je la suivais à PEYRAGUDE avec le car MARTY. Puis je fis ma communion privée, maman pleurait. Ma tante Louise m’avait fait une robe blanche avec un drap.

Nous allions, également, beaucoup chez les instituteurs – M. et Mme ADER – jouer avec leur fils Jojo ( Georges ).

J’ai beaucoup été aussi chez Elisa (VERGNES) – belle-sœur d’une sœur de papa – Qui avait très bien connu papa jeune et toute la famille SERCAN, elle m’a beaucoup parlé de papa et j’en éprouvais beaucoup de satisfaction.

Pour revenir au 7 Juin, pauvres Jean-Louis et Jean-Marie, heureusement Mme LARRIEU venant d’être relâchée par les allemands et rentrant chez elle, elle les récupérait par la fenêtre arrière du café, dans la ruelle séparatrice d’avec l’atelier de menuiserie de M. ROUTABOUL, remis par un des « allemands alsaciens » qui les a sortis de la maison qui commençait à brûler. Mais par la suite, eux aussi, ne furent pas épargnés par les adultes !… Car, pendant ce temps où était donc leur père ? « chef du groupe » constitué à St Pierre ? qui avait quand même réussi à fuir en compagnie de JUTEAU l’un de ses deux adjoints, qui lui, informera au passage les CASTELNAU, occupés aux travaux des champs, de l’arrivée des boches et dont on connaît le sort ! Mais de MAINGUET, pas un seul témoignage connu d’un membre du groupe pour dire avoir été prévenu par lui et avoir échappé grâce à lui !…

A l’inverse le témoignage terrible et accablant de Marie PRECHEUR.

Luc SIMON a toujours affirmé de son vivant, qu’il tenait de l’un des soldats allemands « alsacien » que le détachement venait à St Pierre pour arrêter trois terroristes – MAINGUET, JUTEAU et BALZAN - chefs d’un groupe et seuls connus d’eux !… D’ailleurs, après avoir pris en otage DOUMIC (beau-père de MAINGUET) les allemands lui ont imposé de les conduire, d’abord chez BALZAN et JUTEAU puis chez LASJUNIES…

Plus tard, sans doute après la libération d’AGEN, un soir MAINGUET est réapparu, en groupe, avec belle voiture et beaux uniformes. Je passais près d’eux très impressionnée, maquis ? allemands ? en tout cas il paradait.

Ce mois de Juin 2004, conduite par Mme ROUTABOUL Annie, est venue me parler Mme PRADIN Marie-Louise 80ans demeurant à LAUZERTE (Tarn & Garonne). Le 7 Juin après-midi, elle avait donc 20ans et habitait à l’époque au lieu-dit « La Lettre » commune de PUYMIROL, elle venait chercher à la boulangerie SALLES comme à l’ accoutumé le pain. A été arrêtée, à l’entrée Sud du village et conduite auprès des femmes déjà regroupées sous le marronnier. Elle se souvient avoir été paniquée mais devoir son salut à un soldat allemand parlant français « alsacien probable », qui l’ayant vu arriver, lui a indiqué comment fuir, ce qu’elle a fait et réussi.

Plus tard…

Antony ROUX, ami de papa venait nous voir, il discutait avec maman dans la cuisine de Mainguet et selon lui coupable d’avoir établi « la LISTE ». Il montrait son révolver, puis repartait sur son vélo en disant : - je vais l’attendre au pont de St Pierre, s’il passe il paiera sa trahison.

Mme POLONI Bruno 
ex Mlle LASJUNIES Jeanine 
vendredi 7 mars 2008 par Michel Sercan

Témoignage de Mme POLONI Bruno ( ex Mlle LASJUNIES Jeanine, fille de Charles ) à CASTELCULIER le 8 Novembre 2004

Nous étions encore à table ce 7 juin 1944 avec Mme CARRITA et sa fille, qui était venue nous aider à épamprer la vigne, quand vers 14H-15H est arrivé Louis MONIÉ. Il venait nous informer de l’investissement du village par les allemands. Aussitôt mon père a décidé de partir travailler avec sa paire de vaches à la vigne hors de vision de la ferme. Il doit ainsi sûrement à Louis MONIÉ d’avoir échappé aux boches.

Un véhicule est arrivé peu de temps après à notre domicile, en sont descendus les allemands. Elle se souvient de l’extrême pâleur de DOUMIC dans la voiture.

Avec ma mère, alors enceinte de ma future sœur, madame CARRITA et sa fille, nous avons été sommées de dire où était le père terroriste possédant une arme. Nous ignorions qu’il possédait une arme et puisse appartenir à un groupe de résistants. J’affirmai que mon père n’avait pas d’arme et qu’il était parti travailler on ne savait où, un Waffen SS énervé me « colle » sous les yeux une page de cahier d’écolier, en prenant soin de ne laisser apparaître qu’une ligne – les autres restant cachées par ses mains - où est manuscrit en écriture attachée le nom « LASJUNIES » et en face « mitraillette ».

Pendant que terrorisées nous sommes gardées sous la menace d’une arme, ma mère est brutalement conduite à l’intérieur de la maison pour une fouille à la recherche de la mitraillette.

Je me rappelai alors, qu’en prévision d’une « battue au sanglier » mon père conservait dans sa chambre des cartouches dans une boîte en métal sur le dessus de l’armoire. Armoire très haute, sur le dessus de laquelle on ne pouvait accéder même avec une chaise et qui frôlait le plafond. Je garde en mémoire la peur de cette découverte, qui imaginai-je, aurait été catastrophique pour nous. Les allemands repartiront sans avoir rien trouvé. Aussitôt partis, je me suis précipitée dans la chambre, me suis constituée un échafaudage, ai récupèré les cartouches et le cœur battant ai été les jeter dans le puits en contrebas de la maison.

Pendant ce temps, madame CARRITA est partie à la vigne informer son père de la venue des boches chez nous, et a ramené les vaches.

Mon père n’est revenu à la maison, qu’après la libération d’AGEN, deux mois plus tard environ. Il était parti vers ST ROMAIN se réfugier auprès d’un oncle de MAINGUET, car telle devait être la consigne en cas de problème. Oncle, ami de notre famille, qui est revenu plusieurs fois à la maison chercher de la nourriture pour mon père.

Il doit être l’un des rares, sinon le seul, porté sur la liste que j’ai vue, à avoir échappé à l’exécution, grâce à Louis MONIÉ d’abord et Mme CARRITA ensuite. L’arme je n’ai jamais su où elle était.

Elle n’avait pas remarqué de venue chez elle particulière de la part de ceux qui ont été abattus ce 7 Juin, peut-être BALZAN autre agriculteur mais pas spécialement. De toute façon le père ne s’exprimait quasiment pas sur ces questions là, ni avant, ni après. Il descendait peut-être un peu plus au village à bicyclette indiquant qu’il avait besoin de voir le forgeron ou le menuisier dont il avait besoin des services, quoi de plus normal ?…

CASTELNAU Etienne 
vendredi 7 mars 2008 par Michel Sercan

Témoignage de CASTELNAU Etienne à St Pierre de Clairac le 8 Novembre 2004 ( 16 ans à l’époque)

Mon père possédait un pistolet, qu’il tenait du sien de l’autre guerre mais pour lequel il s’était procuré des balles auprès de BALZAN dont il connaissait l’activité de résistant sans que lui-même, à sa connaissance, n’appartienne au groupe de St Pierre. Ce pistolet il le tenait « caché » sous le matelas de son lit.

L’après-midi du 7 Juin 1944 avec son père et sa mère ils chargeaient du foin dans le pré en face leur maison en contre-bas de la route de Puymirol. Est apparu JUTEAU, débouchant du chemin venant du village, qui courait vers son domicile et qui leur a crié « Partez les boches arrivent ». Dans la minute ils arrivaient, déposaient sur la petite butte un soldat avec sa mitrailleuse qui prenait position et poursuivaient vers le domicile BALZAN. Mon père me donnait consigne de ne pas les regarder et de poursuivre le chargement du foin. Dès la voiture repartie, il donnait mission à sa femme de retourner à la maison – distante d’une cinquantaine de mètres – pour récupérer le pistolet et de le jeter dans les orties près de la grange. Aussitôt claquaient trois, quatre coups de feu, pas plus. Et la voiture réapparaissait et repartait vers le village.

A ma question y-a-t’il eu combat ?… Il m’affirme que non.

Son père s’est ensuite rendu chez BALZAN où la maison avait été incendiée, JUTEAU et son beau-père BALZAN avait été abattus.

Il sait que bien plus tard les deux malheureux ont été récupérés par deux villageois – GALAN Marcel sûr, le second il ne sait plus.

Une dizaine de jour plus tard, M . AUVERGNON Emile venant travailler à sa vigne proche de la maison BALZAN y trouve des armes. Au passage il s’arrête leur dire et leur déclare qu’il part prévenir le maire car il ne faut pas les laisser là. Bizarrement ce sont à nouveau les allemands qui reviennent ?… L’un d’eux s’arrêtera leur demander des œufs, son père demandera à sa mère de s’exécuter il lui donneront même un verre de vin, trop content de le voir ainsi satisfait et repartir.

ALDIGÉ Jean 
lundi 31 mars 2008 par Michel Sercan

Extrait de la publication "Si Castelculier m’était conté..." Numéro 14

La tragédie du 7 juin 1944 à La Clotte

Le souvenir de cette journée du 7 juin 1944 reste pour moi le souvenir le plus pénible qu’ait connu notre commune. J’avais 21 ans, âge où à cette époque les jeunes hommes étaient sous la menace d’être requis pour le Service du Travail obligatoire (STO) en Allemagne. C’est dire que beaucoup d’entre-nous évitaient de se montrer ouvertement. Comme je travaillais dans notre champ, qui se trouve derrière l’église de Saint-Amans, vers 11 heures j’ai aperçu une file de véhicules allemands qui se dirigeaient dans la direction de Saint-Caprais ; puis, dans l’après-midi, j’ai vu une colonne de fumée s’élever du côté de la Clotte. Nino Michelli, ancien prisonnier de guerre évadé, qui, à plus forte raison, devait se cacher, s’inquiéta de cette arrivée soudaine. Depuis la petite pièce, où il se tenait caché, il guetta le retour des véhicules, par une petite fenêtre qui donnait sur la route. C’est ainsi qu’il vit, sur la plate-forme d’un camion qui revenait, une forme humaine enveloppée dans un drap. C’était l’officier allemand qui avait été abattu par André Mazeau. Avant de parler du drame qui nous occupe, il faut peut-être parler de cette demeure de La Clotte où tant de tragédies se sont déroulées jusqu’à nos jours. Elle appartenait depuis longtemps à la famille Chaudordy, dont un de ses membres fut ambassadeur en Espagne et rapporta les fameux Goya dont s’enorgueillit le musée d’Agen. Une des dernières représentantes de cette famille, mademoiselle de Laborie, en était la propriétaire. Celle-ci avait quitté le château en janvier 1940, probablement parce que l’âge ne lui permettait pas de rester seule dans cette grande bâtisse. Elle avait fait déménager ses meubles, en partie à un garde-meuble, en partie dans une petite maison à Bon-Encontre, appelée Béthanie, où elle résidait encore lors de ces événements. A l’époque de son déménagement, il est possible qu’elle ait loué le château de La Clotte à Maurice Jacob, (1) lequel appartenait à la Préfecture du Haut-Rhin, repliée en Lot et Garonne, lors de l’expulsion des administrations françaises, après le rattachement des territoires Alsaciens¬Lorrains par le Reich allemand. Ce groupe forma immédiatement un noyau de résistance qui fut dénoncé au gouvernement de Vichy en 1941, qui envoya une troupe pour perquisitionner et les disperser. A cette époque, le Lot et Garonne était en zone non occupée et les choses durent en rester là. Il est probable que ce refuge fut réactivé avant le débarquement, avec l’accord de l’association des Alsaciens-Lorrains. L’endroit est retiré, comporte des possibilités de repli et il semble qu’il dut servir de refuge ou d’échelon de passage. Les nouveaux venus étaient jeunes, peu au fait des méthodes de guérilla ; si bien qu’ils ne se cachaient guère. Ce fut, sans doute, une des causes de l’assassinat de ceux qui se trouvaient là le 7 juin, civils et maquisards. Ce n’est que plus tard seulement, que la logique des faits devait se révéler. Les Allemands essayèrent d’encercler le domaine de La Clotte pour surprendre les résistants qui s’y trouvaient. A l’exception du jeune Goerig, ceux-ci réussirent à s’échapper, grâce au sacrifice d’André Mazeau qui avait couvert le décrochage, mais non sans laisser à la vengeance de leurs adversaires quatre agriculteurs que le hasard les avait fait trouver là. Le plus exposé, dans un premier temps, avait été le fils Boé, Marcel. Il sulfatait des pommes de terre, dans un champ situé sous le château, que ses parents cultivaient, en qualité de métayers de Mlle de Laborie. Le père, Clovis, se trouvait à Moustet, dans un autre champ qui dominait le vallon de La Clotte ; de là il vit les allemands arriver et tirer sur son fils qui, aussitôt s’affala dans les pommes de terre ; d’où son exclamation que rapporte Lydie Audrin "Ils ont tué mon fils ! " Son inquiétude l’amena sur le terrain, pour son malheur. Un autre élément qui a pu paraître difficile à comprendre, c’est le fait que les corps n’ont été retrouvés que le lendemain. Pour cela, il faut essayer de comprendre, d’une part l’atmosphère de crainte qui régnait en général dans la population, à cette époque, et plus particulièrement après avoir entendu le bruit des fusillades et aperçu les colonnes de fumée s’élever à La Clotte. Enfin, il faut se représenter mesdames Afflatet et Boé, devant les flammes de la ferme Rivals, après le départ des Allemands, c’est à dire dans un état de prostration et d’accablement qui ne leur donnait pas la faculté de bien réaliser ce qui était arrivé. D’après ce que j’ai entendu raconter, elles ont cru que maris et fils avaient été embarqués par les Allemands et Marcelle Boé a amené Mme Afflatet chez elle à Moustet pour la réconforter, elle qui avait tout perdu. Cependant, on a vu passer Marcelle Boé en vélo, allant à Merigot, chez son frère M. René Salon pour faire prévenir le maire des incendies qui avaient été perpétrés. Vu l’heure tardive, sans doute, et le retour possible des Allemands , ce n’est que le lendemain que M. Salon et (prénom ?) Martial Dupenne (oncle de Mme Boé) s’aventurèrent vers les ruines fumantes de La Clotte et découvrirent les corps. Et c’est dans une charrette, tirée par des vaches, qu’ils ramenèrent à Moustet les quatre corps des familles Afflatet et Boé. Le maire, M. Asté, invalide de la guerre 14-18, ne pouvant se transporter sur les lieux, commanda six cercueils à Henri Pinède, menuisier du village. Puis il le chargea, en tant que conseiller municipal, d’aller mettre en bière les six corps, ce qui fut fait avec l’aide de mon père. Ce dernier, qui avait pourtant été infirmier sur le front, en 14-18, avait gardé de cette triste tâche un sentiment d’horreur qui persista longtemps, plus particulièrement pour ce qui concerne les corps d’André Mazeau et de Charles Goerig, sur la terrasse du château incendié.

Les deux jeunes gens furent amenés à l’église sur la charrette, traînée par le cheval de mon père. Jusqu’à ce moment là, c’était encore deux inconnus dont personne ne connaissait les noms et les familles. Le curé de notre paroisse était alors l’abbé Marchés, personnage courageux et de décision. Il y avait alors à Bon-Encontre des réfugiés lorrains, qui avaient été expulsés de leur village, Timonville (2), à cause de leur affinité trop française, selon les occupants. Parmi eux, leur curé, l’abbé Frichmam, appartenait au groupe de résistance des Alsaciens-Lorrains. Ce fut grâce à ce prêtre, et aux liens qu’il avait dans la Résistance, que les deux corps furent identifiés. La température ne permettait pas de garder les corps longtemps. Après une absoute, à laquelle n’assistèrent que les personnes âgées des famille Afflatet et Boé (3), les six corps furent inhumés provisoirement dans le caveau de la famille Chaudordy-de Laborie, après que la fiancée d’André Mazeau eût confirmé son identification (4).

C’est le 7 juin 1945 que fut célébré le premier anniversaire de ce triste événement. J’étais alors mobilisé mais j’en ai eu la relation par mes parents. Tous les habitants de la commune, et bien d’autres, avec le maire Henri Pinède, ont assisté, devant les ruines (?) du château, à une messe célébrée sur l’autel que constitue l’actuel monument. Ce n’était plus l’abbé Marchés, devenu curé d’Eysse (5), mais le Père Neil, de l’ordre des oblats de Marie Immaculée, lui-même ancien réfugié lorrain, qui officiait. Depuis, je crois bien n’avoir jamais manqué de venir me recueillir devant cette stèle, le 7 juin.

Jean Aldigé

(1) Maurice Jacob, ancien chef du service des réfugiés, résistant d’Alsace-Lorraine de la première heure, mort en déportation. En 1969, la municipalité d’Agen donnait son nom à une rue qui va de la place des Jacobins à la rue Londrade. On a donné également le nom d’André Mazeau à la rue des tanneries.

(2) De nos jours, en souvenir de leur séjour en ces lieux, les habitants de ce village ont appelé une des principales rues de Timonville : "rue de Bon-Encontre".

(3) La famille de Charles Goerig était en Alsace et celle d’André Mazeau était doublement frappée par la mort du fils et l’arrestation consécutive du père, si bien que l’inhumation se fit en l’absence des leurs. 

(4) Renseignement fourni par Madame Mazeau.

(5) De ce fait, il était devenu l’aumônier de la prison d’Eysse où étaient détenus d’anciens miliciens ou collaborateurs notoires. II mit autant de zèle à se faire leur intercesseur qu’il en avait mis auparavant à condamner leur rôle. Les paroissiens se souviennent peut-être que la police de Vichy avait voulu le cueillir à la sortie de la messe du dimanche.

Jeanne ADER 
lundi 4 octobre 2010 par Michel Sercan

Procès  LANGE 

déposition du 8 novembre 1945

Déclaration de l’institutrice de l’époque, épouse d’Arthur auteur des articles du journal "LE PATRIOTE" en octobre 1944.

DEPOSITION DU TEMOIN Madame ADER Jeanne

Le 7 juin 1944 au soir, après le départ des allemands de ST PIERRE DE CLAIRAC, Mme MAINGUET est venue me trouver à mon domicile pour me demander des vêtements pour ses enfants. C’est alors qu’elle m’a déclaré : "mon mari a oublié la liste qu’il était en train de rédiger lors de l’arrivée des allemands". C’est tout ce que je puis vous dire sur cette affaire.

Persiste et signe.

 

Yvette MAINGUET 
vendredi 12 février 2010 par Michel Sercan

Déposition d’Yvette MAINGUET au F.F.I le 12 septembre 1944

F.F.I. Etat Major Bureau de Renseignements 12 septembre 1944

Avons en notre bureau, Madame MAINGUET Yvette, née le 23 octobre 1920 à ST PIERRE DE CLAIRAC, demeurant à ST PIERRE DE CLAIRAC, qui déclare :

Lorsque Monsieur JUTEAU est venu voir mon mari vers 14 heures dans la journée du 7 juin ils se sont entretenus des divers préparatifs de départ. J’ai vu mon mari établir une liste au crayon. Cette liste comportait une trentaine de noms, divisés par groupes, en marge de ces groupes il avait marqué l’endroit où ils devaient se rendre : LACLOTTE et TAMBOURET. Cette liste devait également servir aux chefs de Monsieur MAINGUET, Lieutenant STREFF, payer le prêt franc. Quand les allemands sont arrivés, j’étais dans l’épicerie, je balayais lorsque j’ai vu les officiers descendre avec les mitraillettes, je leur ai dit : "les voilà". Aussitôt mon mari et Monsieur JUTEAU sont partis par la fenêtre de la salle de bal en direction des champs et moi je suis montée dans la chambre auprès de mes enfants. Les allemands sont entrés chez moi et ont perquisitionné tout le bas pendant 5 minutes au moins. Entre temps j’ai regardé par la fenêtre de ma chambre et j’ai vu le jeune Marcel CASTEX arriver avec la charrette et les vaches. Il a été appréhendé et fouillé les bras levés. Les allemands n’ont trouvé aucune grenade sur lui à ce moment-là, ce n’est qu’au retour de chez lui qu’il a été trouvé en possession des grenades. Dans la même voiture il y avait en outre un sac de 5 grenades trouvées chez SERCAN.

Agen, le 12 septembre 1944.

P.S. : Sur interpellation, Madame MAINGUET déclare :

J’ai vu GUICHARD parmi les hommes arrêtés contre le mur devant ma porte avec les menottes aux mains. J’ai remarqué qu’il avait des plaies à la tête, à la face et à la poitrine.

Nota: Ainsi donc, elle connaissait Raymond GUICHARD.


 

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